Escape the fate [Black Sisters]

Draco ne dormit pas de la nuit. Il tomba pourtant de fatigue aux environs de quatres heures du matin, mais les songes agités qui le saisirent ne lui permirent pas d'appeller véritablement ça du sommeil. Il voyait Voldemort rire de toute la force de ses poumons avant d'abaisser sa baguette vers lui, cruel et inflexible, après s'en être pris à ses parents, dont les cadavres alignés semblaient se liquéfier sous ses yeux. C'était une vision proprement insupportable.
Il s'éveilla en sueur, le corps agité de tremblements incontrôlables. Il mit un moment assez considérable à réaliser que tout cela n'avait été qu'un cauchemard, qu'il était bel et bien dans ses draps, dans sa chambre, dans son manoir rempli à craquer de Mangemorts, mais au moins qu'aucun ne l'attendait au saut du lit pour mettre fin à ses jours. Ce n'était peut-être qu'une question de temps ceci dit, et alors que le contexte de sa vie se replaçait case par case dans son esprit encore embrumé, Malfoy entreprit de se lever. Comme tous les autres il allait certainement érer entre ces murs toute la journée, inutile mais présent comme s'il attendait le jugement divin. Et quel jugement.. Plus le temps avançait, moins il se sentait à sa place dans cet univers clos de pouvoir et de sadisme outrancier. Autrefois, il mourait pourtant d'envie de le rejoindre le plus vite possible. Pour sa décharge, il pensait que ce serait beaucoup moins difficile, et qu'il n'aurait pas à risquer sa vie à chaque rencontre avec l'un de ces psychopates recrutés par le Lord Noir.

Il se demandait ce que Bellatrix irait lui raconter, d'ailleurs, à propos de leur mission. Très certainement la vérité, à savoir qu'il avait été jusqu'à la supplier pitoyablement pour qu'elle lui laisse indirectement la vie sauve en empêchant le vieux Ollivander de mourir là-bas, à Godric's Hollow. Ce ne serait pas bon pour lui, certainement pas, mais il valait mieux être pitoyable et vivant que fier et mort, du moins c'était ce qu'il s'efforçait de se rentrer dans le crâne en descendant le grand escalier qui menait au hall. Il devait être encore tôt, peut-être huit heures du matin, et il n'y avait personne. La lumière filtrait en rayons pâles à travers les hautes fenêtres de riche facture, projetant des flaques blafardes sur le tapis qui recouvrait la quasi-totalité du sol, donnant l'illusion d'un échequier aux cases difformes.

Draco fit quelques pas silencieux, et se décida finalement à sortir. Il ignorait ce qui était advenu d'Ollivander, de même qu'il ignorait si le Maître avait réussi à obtenir de lui ce qu'il désirait tant. Dans le cas présent il pouvait simplement l'espérer, et c'était déjà beaucoup. Plissant les yeux sous la lumière crue du soleil, le blond rangea ses mains dans ses poches, attitude désinvolte qu'il répugnait ordinairement à adopter. Mais vu qu'il était seul, après tout, pourquoi pas.
Le parc du Manoir baignait dans une fine pellicule de brouillard. C'était la première fois qu'il ne pleuvait pas depuis au moins une semaine, et la pelouse détrempée semblait accueillir cette trève de la Nature avec solicitude. Malfoy descnedit les marches à pas lents, profitant de la paix inattendue qui se heurtait à lui. Un peu de soutient aurait sûrement été le bienvenu pour partager ses craintes et ses angoisses, mais il savait au fond de lui qu'il ne s'abaisserait jamais à se dévoiler ainsi à qui que ce soit. Il était condamné à affronter son destin seul.

Perdu dans ses pensées aux allures épiques il ne remarqua pas le scintillement caractéristique du transplanage, qui illumina le brouillard dans l'allée centrale. Une silhouette apparu cependant la seconde suivante et la sensation de repos que Draco avait brièvement ressentie à l'intant même se volatilisa aussitôt.

"Bellatrix." salua-t-il d'une voix dénaturée, alors que ses sourcils clairs se fronçaient imperceptiblement.

Cette femme l'avait toujours effrayé. Aujourd'hui, il la détestait parce qu'en plus d'être complètement folle, il savait elle ne répugnait absolument pas à l'idée de l'évincer. De quoi élargir vos idées sur la famille.
Son instinc prévint Draco qu'il ne vallait mieux pas s'y frotter. Néanmoins, il lui en voulait énormément de ne pas avoir cherché à l'aider dans l'affaire Ollivander, et un milliard de réfléxions lui brûlaient la langue. Après tout il était chez lui au manoir Malfoy, et il était un Mangemort au même titre que sa tante..

"J'espère que tu t'es bien amusée à réduire ce village en cendres. La Gazette ne tarira sûrement pas d'éloges quand à ta manière particulièrement subtile de revendiquer ton camp." cracha-t-il donc en la voyant s'avancer vers lui, plissant le nez en s'appercevant qu'elle dégageait vraiment une odeur de brûlé. Il n'avait pas l'impression d'être inconscient. La peur de mourir pousse sûrement à faire beaucoup de choses, sûrement celles auxquelles on s'attend le moins d'ailleurs. C'est ce que prouva le jeune homme en ajoutant, glacial :

"Et moi qui pensait qu'il fallait un comportement professionnel lorsque l'on était en mission. C'était un véritable cirque. Vous n'avez aucun talent si ce n'est celui, primaire, de torturer inutilement tout ce qui vous tombe sous la main.. Combien de personne avon-nous exécutées avant de ramener Ollivander, rappellez-le moi ? Cinq ? Six ? Et cet homme que vous avez achevé alors qu'il ne nous avait même pas livré la moitié des informations dont il disposait ? Ne croyez pas que tout cela restera sans conséquences, vous avez joué avec mes nerfs mais j'ai tout de même réussi, et croyez-moi que le Seigneur sera informé de votre façon inqualifiable de tout vouloir faire rater, quand il s'agit de ses intérêts à Lui."

Il savait que, si son existance n'importait pas à Bellatrix, il touchait un point sensible en citant le Seigneur des Ténèbres. Mais il était trop révolté actuellement pour s'inquiéter de conséquences de ses paroles.

Bellatrix Lestrange ne put réprimer un frisson : aucun rapport avec la fraicheur matinale qui régnait dans le parc du manoir Malfoy bien sûr. C'était lui. Sa grandeur, sa façon de toiser le monde avec mépris et ses yeux terrifiants devant lesquels on ne pouvait mentir, voilà ce qui animait Bella. Elle adorait cet instant où il attendait quelque chose de sa part. Il lui fallait alors répondre et quand elle savait qu'il risquait d'être déçu, sa vie ne tenait soudainement plus qu'à un fil. Voilà qui était terriblement excitant. Peut-être était-ce pour cette raison qu'elle jouait, littéralement, avec le feu. Elle revenait justement d'un de ces fameux entretiens avec son maitre, car non, elle ne rechignait pas à la nommer ainsi, plus tremblante que jamais. Il l'avait chargée de veiller à ce que Draco mène sa mission à bien, à couvrir ses arrières en quelque sorte. Et lorsqu'il avait posé ses yeux injectés de sang sur le corps meurtri d'Ollivander, la pièce s'était soudainement refroidie. Greyback fut violemment projeté contre le mur qui leur faisait face puis il se tourna vers elle. Elle aurait du vouloir disparaitre, échapper à cette emprise silencieuse mais un sourire dément naissait déjà sur ses lèvres. Vivrait-elle encore ou pas ? Elle se savait précieuse mais l'esprit du seigneur des ténèbres était impénétrable après tout. Peut-être que la voir morte pouvait être une expérience jouissive ... Elle en était rendue à envisager sa propre mort comme un divertissement, c'était dire combien elle l'idolâtrait. Voldemort s'était néanmoins contenté de coincer sa baguette au creux de sa gorge et de siffler tel le serpent qu'il était. Le cœur de la sorcière rata un battement.

- Tu es une enfant capricieuse. La prochaine fois que tu n'exécutes pas mes ordres à la lettre, tu seras punie, avait-il susurré, baignant la pièce de sa voix glaciale.

Que ressentait-elle ? La folie avait depuis bien longtemps brouillé son esprit et il était peu probable que la jolie brune soit capable de sentiments cohérents ou même de sentiments tout court. Ce qui était sur, c'était qu'il disposait entièrement de sa vie, de ses actes et de son esprit tordu. Autrement dit, il la possédait entièrement, et si c'était affreusement malsain, cette situation convenait parfaitement aux deux parties.
Bellatrix finit par relever la tête, lâchant des yeux ses chaussures pointues pour porter son regard sur une silhouette longiligne qu'elle avait quitté voilà peu de temps : son cher neveu. Aussitôt elle se remit à sourire. Il angoissait clairement et elle choisirait probablement de le faire mijoter. A vrai dire, elle n'avait même pas parlé de leur fameux pacte et s'était arrêtée à l'agression de Greyback, avait omit volontairement son entrée en scène et n'avait pas fait passer Draco pour un moins que rien auprès de leur maitre. Cela n'avait rien de charitable bien entendu, Bella tenait simplement à ce que leur petit accord reste privé. Il le saurait tôt ou tard mais le plus tard valait mieux. Le seigneur des ténèbres n'avait pas besoin de subir leur misérables petites luttes pour le pouvoir.

Contre toute attente, le jeune homme avait radicalement changé de comportement. Fini les jérémiades et les supplications, il redevenait subitement l'héritier Malfoy dans toute sa splendeur. Il était de retour à la maison et pouvait se permettre ce ton suffisant parfaitement insupportable, du moins il le croyait et il ne se privait visiblement pas pour en abuser. Bella s'approcha doucement, peu réactive aux paroles acides qu'il lui assénait. Lorsqu'il se tut enfin et qu'elle pu constater que vider son sac lui avait été salutaire, elle s'approcha encore et effleura sa joue en prenant une expression outrageusement moqueuse.

- Charmant. Tu crois peut-être que toi, misérable créature rampant à mes pieds quelques heures plus tôt, toi qui a échoué lamentablement l'année passée ... Tu crois pouvoir apprendre quelque chose au seigneur des ténèbres ? Bien sur qu'il sait tout, il le savait avant même que l'on ne pose un pied à Godric's Hollow. Et il n'a pas choisit au hasard : il aurait pu te laisser y aller seul, tu ne crois pas ? dit-elle en tournant autour de lui sans le lâcher des yeux. Il me connait comme personne, il sait que je suis incontrôlable. Il voulait que tu échoues, insista t-elle, sa bouche à quelques centimètres de son oreille.

Elle s'éloigna dans un rire hystérique, tournant sur elle-même comme une petite fille à qui on aurait acheté une nouvelle robe. Le pousser à bout, ça aussi c'était une chose qu'elle adorait.

- Petit pion ! Petit pion ! chantonna t-elle.

« Bella, Draco cessait tout ce vacarme, on vous entend à l'autre bout du manoir. N'avez-vous pas hontes de vous comporter ainsi, on croirait entendre des Gryffondor. »

« Bella, tu as beau être ma soeur, je te prierais de ne pas importuner mon fils et toi Draco comporte toi comme un Malfoy, pas comme un Weasley. »

La caresse de Bellatrix faillit le faire frémir, mais Draco se contenta de noircir un peu plus encore son regard. Cette fois il ne flancherait pas devant elle, pas question. Il avait raison, et elle devrait bien le reconnaître. Pourtant Mrs Lestrange se contenta de lui sussurer d'une voix doucereuse que, si elle et Fenrir l'avaient accompagné, c'était parce que le Seigneur souhaitait sa défaite. Draco était peut-être un incorrigible froussard mais il n'était pas stupide pour autant. Si Voldemort avait voulu l'éliminer, il ne s'en serait pas pris par quatre chemins ; il avait des manières d'éliminer les parasites beaucoup plus rapides et efficaces. Non, il n'avait pas voulu sa défaite. Il lui avait donné un test, un simple test. Se répétant ses mots pour s'en convaincre, le blond entreprit de ne pas lâcher sa tante des yeux pendant toutes ses soit-disant révélations. Elle s'amusait à tourner autour de lui à la manière d'un vautour guêtant l'animal qui voyait sa fin proche, et lorsqu'elle s'approcha à nouveau pour murmurer à son oreille de façon très malsaine, l'héritier Malfoy ne parvint pas à contenir un léger rictus de dégoût.

Il allait répliquer quelque chose mais elle se détacha aussitôt pour se mettre à sautiller au bas des marches, comme une enfant hystérique aux cheveux mal coiffés.

« Petit pion ! Petit pion ! »

Soudain excédé, Draco brûla de sortir sa baguette pour lui montrer ce qu'il pensait de sa chansonette improvisée, mais une nouvelle personne arriva sans qu'il eut le temps de s'en empercevoir.

Sa mère, Narcissa Malfoy, franchissait à son tour les grandes portes du Manoir, et elle les rabroua tous les deux sur leur comportement avant même que son fils n'eut le temps de la saluer. Loin de donner l'illusion d'un enfant pris en faute le blond fronça le nez, outragé qu'elle considère la situation comme une simple démonstration de puérilité. Bellatrix s'évertuait à lui pourrir ouvertement l'existence, et tout le monde semblait décidément trouver ça normal.

« Draco comporte toi comme un Malfoy, pas comme un Weasley. » insista pourtant Narcissa. Elle avait l'air en colère. Evidemment la situation ne devait pas être évidente pour elle non plus, le manoir envahi, son mari et son nom déshonnorés, tous ces psychotiques et sa propre soeur qui martyrise son fils unique.. Bien sûr, Draco pouvait comprendre. Du moins il aurait pu, mais sa petite personne était actuellement trop offensée pour compatir ne serait-ce qu'une seconde aux malheurs de quelqu'un d'autre que lui-même. Même s'il s'agissait de sa mère.

« Je me comporte parfaitement. » répliqua-t-il donc, acide, en jetant un regard assassin à Bellatrix pour reporter par la suite son attention sur sa mère. Lui aussi, il aurait pu trouver pleins de choses à lui repprocher, si l'on commençait ce petit jeu-là. Par exemple le fait de ne pas avoir été là la veille, quand il était rentré de cette foutue mission.
Dire une telle chose l'aurait pourtant fait passer pour un enfant, et il s'y refusa, par simple question de fierté. A la place, il ravala sa rancoeur et se contenta de rendre à sa génitrice le même regard irrité que celle-ci avait posé sur lui quelques secondes plus tôt, espérant vaguement qu'elle en arriverait à se sentir coupable.

« Et je peux très bien me débrouiller. Ce n'est pas une femme qui parviendra à m'importuner, Mère, et surtout pas une individue aux pensées et aux actes aussi stérils que celle-ci. » cracha-t-il en désignant sa tante d'un petit signe de tête. Etrangement il ressemblait énormément à son père à cet instant, à la différence près que celui-ci avait les cheveux longs et n'aurait jamais insulté directement Bellatrix Lestrange, sa belle-soeur et accessoirement experte dans l'utilisation du sortilège de Doloris. Draco n'était pourtant pas plus imprudent que d'habitude, simplement plus suffisant encore, si c'était possible. Il ne supportait pas cette dispute de pouvoir qui poussait même les membres de votre famille à souhaiter vous voir mort et enterré. Peut-être que son père lui-même irait jusqu'à l'éliminer, si jamais il devenait un jour plus influent que lui ? Rien que de l'imaginer, Draco sentait qu'il perdait tous ses moyens.