Back Home [ Indiana ]

Quand ils apparurent dans le hall du manoir, Amycus Carrow et Rodolphus Lestrange fondirent sur Draco et lui arrachèrent littéralement Ollivander des mains. Essouflé, l'héritier Malefoy ne s'y opposa pas, et regarda simplement le fabriquant de baguettes disparaître dans la salle de réunion dont la porte se ferma immédiatement après, ne l'invitant clairement pas à participer à la réception enchanteresse qui allait s'y dérouler. Malgré la rapidité de son passage, l'état du nouvel otage n'était pourtant pas passé inaperçu.

Draco resta un instant interdit, comme incapable de réagir. Les quelques mangemorts qui se trouvaient encore là le fixèrent avec une intensité de rapace, scrutant son visage plus pâle que jamais avec une sorte de mépris teinté d'une jubilation perverse. Si l'un d'entre eux tombe, les autres remontent. C'est bien là la plus grande des lois officieuses qui sévissent dans leurs rangs.. et Draco en était parfaitement conscient. Il ne fallait pas perdre la face devant eux, quoi qu'il advienne. Si Ollivander leur claquait entre les doigts, cela signerait définitivement son arrêt de mort, mais en attendant il ne fallait pas qu'il flanche devant eux.

Le blond se râcla la gorge et épousseta sa veste, tentant de se redonner un peu de contenance. Les regards glissèrent. Ils se désintéréssèrent de lui.

Lucius Malefoy finit par sortir le premier de la salle de réunion. Il referma la porte derrière lui et se dirigea directement vers son fils qui, il le remarqua pour la première fois, n'était plus très loin de le rattraper question centimètres.
Les entrailles serrées, Draco se contenta de le regarder avec inquiétude, comme s'il attendait un ami très cher qui passait sur le bloc opératoir et que Lucius venait enfin lui apporter les résultats.
Néanmoins, ce dernier ne se montra pas spécialement compatissant.

Ils eurent un échange glacial d'à peine quelques phrases ; pour résumer, aux yeux de Lucius, Draco n'était une fois de plus qu'un incapable. Malefoy-senior n'avait pas réellement digéré la couardise de son rejeton quand il avait été question de tuer Dumbledore. Son fils ! L'héritier Malefoy ! Il était pourtant destiné à devenir un bon mangemort.. Dans un premier temps celui-ci ne sembla pas comprendre ces accusation ; oh bien sûr il était habitué à ne pas recevoir de grandes démonstrations de sentiments de la part de son père, mais cette fois, il aurait aimé qu'il compatisse au moins un peu à ce qu'il venait de vivre. C'était nouveau pour lui après tout ; mais dans le monde des mages noirs, il semblait que le lien père-fils n'avait pas lieu d'être.

Draco perdit son air effrayé pour un visage plus haineux. Ou qu'il soit, où qu'il aille il se heurtait toujours à des montagnes d'opposition. Il avait pourtant toujours fait de son mieux. Ravalant les mots tranchants qu'il aurait aimé répondre à son père, chose qu'il se refusait parce que justement il s'agissait de son père et que Draco avait toujours eut énormément de repect pour lui, le Serpentard se contenta d'acquiéscer. Avec Lucius de toute façon, il ne servait jamais à rien de dicuter, et il était bien placé pour le savoir.

Quand au jugement du Seigneur des Ténèbres.. il y aurait sans doute droit quand celui-ci rentrerait au manoir. Jusque-là, il aurait tout le temps d'angoisser et de se morfondre à loisir.
Lucius rejoignit bientôt les autres mangemorts sans plus de considération pour son fils unique, et Draco contempla longuement le sol, comme perdu dans ses reflexions. A ce stade, il était très certainement au-delà de la peur.

Ces trois jours de recherches l'avaient épuisé, et il n'aspirait pas à grand-chose de plus qu'à un peu de repos. Décompresser en attendant le glas funèbre. C'était d'une ironie..

Relevant les yeux, le blond cilla alors d'étonnement. A quelques mètres de là, devant l'escalier magistral se tenait une femme qui semblait l'observer. Elle devait être là depuis un moment. Ses souvenirs se rassemblèrent à toute vitesse ; s'il se rappellait bien, elle était une mangemort nouvellement promue. Juste après la mort de Dumbledore, alors que lui-même venait d'atterir à nouveau ici. Cela devait faire un bon mois qu'elle tournait en rond au milieu des autres mages noirs pour comploter et projetter des massacres en tout genre, mais comme il avait eut tendance à fuir l'agitation, il n'avait jamais eut l'occasion de la connaître davantage. D'un autre côté, il fallait être un peu fou pour tenter de connaître ces gens-là, et c'est l'expérience qui parlait. Il ne savait même pas son nom, à bien y réfléchir.

Le visage du blond se referma, se sentant soudain gêné qu'elle ait surprit le monologue humiliant de son père et sans doute aussi sa propre arrivée désastreuse. Après tout, il avait une certaine image à maintenir. Il avait été assez discrédité ces derniers temps pour supporter une nouvelle situation de ce genre, surtout quand c'était une femme qui y assistait ; après tout Malefoy avait toujours pratiqué une politique personnelle plutôt machiste.

Redressant nerveusement le col de sa veste, le blond souteint le regard de la femme pendant encore quelques secondes. Cette petite guerre aurait même pu durer des heures si l'on avait exclu son état déplorable.

"Si vous avez quelque chose à dire, n'hésitez pas." lâcha-t-il enfin d'une voix traînante dans laquelle on pouvait discerner une pointe de lassitude. Oh, il se doutait bien qu'elle devait s'amuser de son sort, comme tous les autres finalement. Car pour lui, la paranoïa était devenue une vraie règle de vie, au même titre que dormir ou se nourrir ; il ne s'en rendait pas compte, mais ce petit cercle vicieux aurait sans doute raison de lui avant même que Voldemort n'ait besoin de venir y mettre son grain de sel, et c'était bien là le pire segment de l'histoire.

Elle s'avança vers lui. Draco laissa ses mains retomber le long de son corps, et son regard parcouru celui de la femme sans la moindre pudeur. Il était chez lui après tout, il était le fils d'un des plus éminents serviteurs du Lord, et de plus, comme dit plus haut, ce n'était qu'une femme.
Elle s'arrêta finalement devant lui avec un sourire, mais Malefoy se refusa toute manifestation de la colère qui naquit en lui quand elle le regarda de la même façon que l'on regarde un petit enfant. Cela n'aurait servit à rien. Et il savait que montrer ses sentiments était la pire de faiblesses ; il n'avait pas besoin de ça, à vrai dire. Néanmoins, il se demandait ce qu'elle lui voulait. Il s'attendait à une remarque cassante, une prophétie macabre comme celles que s'amusaient déjà à lui donner Fenrir et Bellatrix. "Tu vis tes derniers instants, petit blond.", "Je prendrais ta place en un claquement de doigts, tu n'es qu'un pion et tu seras vite oublié." Ce genre de choses charmantes et agréables à entendre. Si Draco n'en était pas encore blasé, elles ne lui faisaient cependant plus beaucoup d'effet. Ses propres réflexions lui causaient déjà assez de souçis comme ça pour qu'il commence à craindre celles des autres.

La femme pris alors la parole, dans un murmure.

"Tu es drôlement jeune, pour ce genre de sorties."

Elle sourit de nouveau. Un sourire en coin. Il se trompait ou elle avait l'air de.. s'amuser ? Les mangemorts avaient tous un côté sadique, ce ne serait pas étonnant. La vision d'un de leur confrères au bord du trépas devait les exciter plus que n'importe quoi d'autre. Il aurait pu se sentir habitué, mais Draco plissa pourtant les yeux avec mauvaise humeur sans cesser de soutenir son regard. Il allait d'ailleurs lui répliquer de lui foutre la paix quand elle repris :

"Tu dois être très ambitieux... Ou bien juste... Suicidaire ?"

Cette fois Draco entrouvrit la bouche, stupéfait. Actuellement, il avait l'air aussi ambitieux qu'une limace qui tente d'escalader une salade. Son air maladif, ses nerfs à vif et sa constante envie d'éclater en sanglots le faisaient davantage ressembler à une proix qui tente de survivre entre les griffes acérées de son chasseur qu'à un aventurier désireux de faire ses preuves. C'était pourtant encore le cas, quelque part, mais bien enterré sous une couche épaisse de terreur et de mal-être. Pourquoi donc s'amusait-on à s'acharner sur son sort ? Comme si ce qu'on lui ordonnait de faire ne suffisait pas. Et puis.. Lui, suicidaire ? Il avait pourtant assez pouvé qu'il avait peur de mourir pour être considéré comme quelqu'un de suicidaire.. Il n'avait pas voulu de cette mission. Il n'avait pas voulu de tout ça.
Mais ça il le pensait très certainement sous le coup de la colère. Cette abrutie ne pouvait pas comprendre. S'il n'avait pas insisté pour se charger d'Ollivander, il aurait été tué. Ce serait d'ailleurs sûrement le cas dans quelques heures, et cette.. cette femme trouvait encore le moyen de s'amuser à ses dépends. Lui qui avait toujours été gâté à outrance, qui avait toujours eut ce qu'il désirait.. sa vie prenait ces derniers temps une teinte qui ne lui plaiait pas beaucoup. Révulsé par tant d'injustice, Draco ne parvint pourtant pas à l'exprimer comme il l'aurait souhaité, et il se contenta de la regarder s'éloigner sans pouvoir détacher ses yeux de ses longues jambes parfaitement galbées. Il ne s'étonna pas losqu'il la vit prendre place dans l'un des fauteuils du salon comme si elle en était propriétaire, et il s'apprêta lui-même à prendre congé quand elle l'interpella de nouveau.

"Il y a vraiment quelque chose qui te préoccupe n'est-ce pas ? Impressionnant..."

Il se figea, reportant son regard vers elle la seconde suivante. Elle lui faisait signe de s'assoir à ses côtés.
Draco n'était pas dupe. Elle ne faisait pas ça sans rien, et souhaitait très certainement apprendre quelque chose de lui, dans un but qui ne lui serait certainement pas favorable. Mais actuellement, il s'en foutait. Et étonnement, l'idée de se retrouver seul le dégoûtait encore davantage que celle d'affronter ce qui seraient sans doute ses derniers instants avec quelqu'un qu'il ne connaisait absolument pas.

L'ombre d'un soupir franchit ses lèvres, et le blond ignora la demande de la Death-Eather pour agiter sa baguette en direction d'une grande armoire située contre le mur adjacent. Celle-ci s'ouvrit dans très léger grincement, et Malefoy en fit émmerger deux verres à pied et une bouteille, du bourbon manifestement. Il ressentait le besoin irreprescible de se raccrocher à un geste d'adulte sûr de lui, et il était assez bien élevé pour proposer les ressources parentales aux "invités", même quand ceux-ci n'en étaient pas réellement. Du moins.. évidemment il n'aurait jamais fait la même chose pour Fenrir, par exemple, ou pour ce psychopate de Mcnair. Celle-là semblait plus posée, moins hystérique. C'était déjà ça.

La pièce était en fait ce que Lucius Malefoy avait coutume d'appeller pompeusement son "Fumoir", et les verres et la bouteille se posèrent d'eux-même sur table qui faisait face aux fauteuils, table qui recellait en fait un ingénueux système de tiroirs remplis à ras-bords de cigares de qualité supérieure et autres portes-cigarettes hors de prix. L'adolescent s'assit à l'endroit précédemment indiqué par la Mangemort sans chercher à discuter, et il lui servit à boire avec ce qui semblait être le plus grand des désintérêt. Il porta ensuite lui-même sa coupe à ses lèvres, le regard vague, comme s'il ressassait sa question pourtant simple dans sa tête.

"En quoi cela est-il impressionant ?" demanda-t-il finalement avec un petit ricanement ironique à peine dissimulé, et il dirigea à nouveau son regard sur elle pour lui servir son petit haussement de sourcils caractéristique. Le coeur n'y était pourtant pas, et très vite ses yeux se détournèrent alors que ses mains enserraient davantage son verre.

"Ceci dit il y aurait presque de quoi vous accorder le prix de la perspicacité." continua-t-il sur le même ton un peu distant et volontairement méprisant. Draco Malefoy érigeait ses défenses comme il le pouvait, puisque depuis le début de cette affaire personne ne s'était décidé à le faire pour lui.